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Côte d’Ivoire / Présidentielle : Une fausse information alarmante publiée sur facebook pour faire croire en un soulèvement du peuple contre les dirigeants ivoiriens

VERDICT ET CODE DE FIABILITÉ

FAUX, L’information selon laquelle le peuple ivoirien se serait vengé contre les dirigeants de la Côte d’Ivoire à travers des attaques contre les forces de l’ordre et des stations brûlées n’est pas avérée. Après nos recherches à travers les mot-clés tels que «insurrection nationale généralisée ce matin » et «attaques contre les forces de l’ordre et stations brûlée» publiés dans le message Facebook, aucun média crédible et aucune source politique ou sécuritaire officielle n’a relayé une telle information.

FAIT

Selon une information publiée le lundi 20 octobre qui circule sur les réseaux, le peuple ivoirien se serait vengé le lundi 20 octobre 2025 contre les dirigeants ivoiriens, à travers des attaques contre les forces de l’ordre et des stations brûlées. L’information rédigée dans un français approximatif a été publiée sur Facebook, à partir du compte «Agossou Konoura». Dans cette publication, l’internaute affirme que le peuple a dit non au 4ème mandat d’Alassane Ouattara qui se croyait malin en maintenant les forces de l’ordre à tout prix pour bâillonner le peuple.

ANALYSE 

Le lundi 20 octobre 2025, une publication relayée sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook via le compte «Agossou Konoura », a suscité 3,4 mille mentions ‘‘J’aime’’ , 641 commentaires et 221 partages en moins de 24 heures. Accompagnée d’images montrant des forces de l’ordre sur le terrain, des véhicules en feu et une personne sûrement accidentée couchée, la publication a provoqué des commentaires favorables à la crédibilité apparente de cette infox mais aussi sceptiques quant à la fiabilité de ce message.

Source : Capture de la publication

Ainsi, publiée comme une alerte urgente, cette publication, telle que orientée, attire l’attention du peuple béninois, qui se prépare également pour une élection présidentielle en avril 2026, afin de l’inciter à se mobiliser face au régime au pouvoir comme en Côte d’Ivoire. On peut lire en substance dans cette publication : « (…) Ce matin le peuple s’est venger contre les dirigeants de la Côte d’Ivoire. Les attaques contre les forces de l’ordre, les stations brûlées, victime des forces armées les blocages partout… Ce que je ne souhaite pas pour le Bénin mon pays. Je attire l’attention des dirigeants afin de réfléchir et jouer le rôle d’un père de famille pour tout éviter. Car la force appartient au peuple et non à votre décision. respecter le peuple , sans le peuple le pays n’existe pas. »

C’est vrai que depuis la validation de la candidature du candidat du parti au pouvoir (RHDP) par le Conseil constitutionnel pour un quatrième mandat jugé illégal par l’opposition, il y a des foyers de violence locale, des affrontements ponctuels, des arrestations et une forte tension politique. Mais après des recherches auprès de sources (médias crédibles et déclarations officielles d’autorité policières et politiques), il n’y a pas eu de soulèvement national ce lundi matin (20 octobre 2025) comme le message l’annonce de façon urgente. 

VÉRIFICATION DES FAITS (MÉTHODOLOGIE)

L’analyse de la photo d’ouverture qui accompagne le message, à l’aide de Google Reverse Image Search, montre clairement qu’il s’agit d’une image de l’AFP sortie du contexte de sa première publication il y a 8 ans (23 mai 2017), pour illustrer un article sur des affrontements entre soldats démobilisés et policiers à Bouaké ayant causé trois morts. On peut lire dans cet article le chapeau suivant : « Bouaké (Côte d’Ivoire) – Trois personnes ont été tuées mardi lors d’affrontements à Bouaké (centre) entre policiers et ex-rebelles démobilisés qui bloquaient l’entrée de la ville, réclamant des primes similaires à celles des mutins qui ont ébranlé la Côte d’Ivoire la semaine dernière, a constaté un journaliste de l’AFP ».

Par ailleurs, après nos recherches toujours sur Google Reverse Image Search, les deux photos montrant un incendie avec une fumée épaisse utilisée dans cette publication mensongère, sont les images d’un poids lourd qui a pris feu sur le parking d’un supermarché, dans la ville de Mouchard en France. L’incendie s’est propagé à une station-service et à plusieurs véhicules.

Enfin, la photo montrant un individu couché au sol comme une victime de la prétendue insurrection populaire, est une vieille image d’un sergent de police qui a tenté de se suicider le 9 septembre 2023, à Yopougon en se tirant une balle dans la tête non loin de son appartement. La photo a été publiée sur des sites web sérieux comme 7info.ci et linfodrome.com.

Source : Capture de l’article sur l’infodrome.com

Il y a certes des manifestations de l’opposition contre le quatrième mandat du président sortant et le rejet des candidatures de grandes figures de l’opposition (le président du PPA-CI Laurent Gbagbo et le président PDCI Tidjane Thiam) par le Conseil Constitutionnel, malgré des interdictions officielles des meetings et autres rassemblements sur les voies publiques, mais cela ne suffit pas à prouver qu’un soulèvement massif a eu lieu le lundi 20 octobre contre les dirigeants ivoirien. L’idée que les forces de l’ordre « sont maintenues à tout prix pour faire taire » est une affirmation gratuite. On a certes, des cas de dispersion et de répressions de manifestations, mais pas jusqu’à présent d’éléments crédibles prouvant une répression systématique à l’échelle nationale ce jour précis.

Aussi, aucune source sécuritaire ou politique crédible n’a fait cas depuis cette publication d’un soulèvement populaire que l’on pourrait qualifier d’une vengeance du peuple contre les dirigeants ivoiriens. 

CONCLUSION

Cette nouvelle publiée à une période électorale sensible marquée par des tensions politiques et des violences, est fausse. Elle s’inscrit, on ne sait pour quelle raison qui motive l’auteur, dans une stratégie de désinformation et de manipulation de l’opinion tant béninoise qu’ivoirienne. La publication semble de façon exagérée mettre de l’huile sur le feu afin d’en rajouter à la situation déjà tendue dans laquelle se trouve le processus électoral, en faisant un mélange d’éléments vrais (contestations, manifestations, tensions) avec des affirmations amplifiées ou non confirmées (insurrection massive, attaques généralisées).

Cet article a été réalisé par par Abou Adams, Pressivoire.com, dans le cadre de la Situation Room Virtuelle de veille électorale mise en place, en partenariat avec la Cellule Anti Fake News (CAFN), mobilisant des fact-checkers, journalistes et veilleurs numériques.